Le retard de la Belgique dans sa stratégie de soutien à la PropTech

Le retard de la Belgique dans sa stratégie de soutien à la PropTech

Idriss Goossens, jeune patron du réseau belge PropTech Lab, n’hésite pas à aller chercher ailleurs des exemples de bonnes pratiques pour mieux soutenir les start-up PropTech chez nous.

Le Royaume Uni et la France ont une longueur d’avance sur la Belgique et, plus largement, sur le reste de l’Europe en matière de PropTech. Quelles pratiques vertueuses retenir de nos voisins ?

Le Royaume Uni a pris beaucoup d’avance, c’est certain. Londres est devenue la Mecque de la PropTech. On peut le voir au nombre de grands groupes qui s’y sont dotés d’un Chief Innovation Officer (CIO) et à la quantité de fonds qui investissent dans la PropTech. L’exemple à suivre, c’est, selon moi, celui de la nomination, au sein du ministère britannique du Logement, d’une personne qui travaille à temps plein sur la PropTech pour avoir une vue dessus. Le gouvernement britannique a aussi pris une série de dispositions réglementaires pour favoriser l’innovation au sein des nouveaux projets, comme la certification BIM Level 2 pour tous les appels d’offres publics.

Quid de la France ?

Il y a dix ans, le gouvernement français a créé la French Tech (un label officiel attribué à des pôles métropolitains reconnus pour leur écosystème de start-up, NdlR) avec la volonté de créer une « start-up nation ». Et ce, en facilitant les interactions, les contacts avec les investisseurs, en attirant les capitaux internationaux, etc. Résultat, en dix ans, la France est devenue le pays des licornes (des start-up valorisées à plus d’un milliard de dollars, NdlR).

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Un autre exemple à succès est le salon VivaTech, qui vient de s’achever à Paris. Mais il y a plein d’autres initiatives, comme le fait que la BPI (Banque publique d’investissement, créée par l’État français et la Caisse des Dépôts, NdlR), l’investisseur souverain français, a investi dans le réseau d’entrepreneurs Frenchfounders. La France a aussi investi dans Impulse Partners (une société de conseil spécialisée en stratégie d’innovation dans les secteurs de l’immobilier et de la ville durable, NdlR), qui est similaire à ce que nous faisons chez PropTech Lab.

Soutenir les réseaux existants, c’est la première étape dans la stratégie de soutien au secteur, selon vous ?

Évidemment ! Il faut que les gouvernements belges viennent en aide aux écosystèmes déjà en place et performants comme PropTech Lab, mais aussi comme The Beacon à Anvers, BeCentral à Bruxelles, Wintercircus à Gand… On mène un travail de fond qui a beaucoup de valeur et qui est plus impactant que ce que font nombre de plateformes publiques et/ou subsidiées dont les projets sont souvent vides de sens. La Belgique est très en retard dans sa stratégie de soutien à la PropTech.

Par ailleurs, je ne veux pas faire du « Belgium bashing » et être trop négatif envers le système belge mais d’un point de vue administratif, réglementaire et fiscal, la Belgique, c’est l’enfer de l’entreprenariat. L’immobilier n’y échappe pas avec les difficultés liées à l’octroi des permis et c’est pour ces raisons que la plupart des grands promoteurs immobiliers belges sont très actifs dans d’autres pays européens. Idem pour les start-up. On l’a vu avec Collibra, première licorne belge spécialisée dans la big data : elle a fui la Belgique et a été rachetée par un holding néerlandais. Tout l’écosystème de la tech en Belgique parle d’une même voix en demandant qu’on facilite le travail des entrepreneurs.

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« La première chose à faire, c’est définir ce qu’est un écosystème selon des critères objectifs et soutenir financièrement ceux qui ont une vraie valeur ajoutée pour le secteur en échange d’un plan d’action solide »

Quel message voudriez-vous faire passer aux politiciens, à la veille des élections ?

J’aimerais rappeler que ce sont les entrepreneurs qui résolvent les problèmes majeurs de demain. Ce sont eux qui trouvent des solutions, qui créent de la valeur, de l’emploi. Ce sont des super-héros.

Si vous étiez ministre de l’Innovation, que mettriez-vous place ?

La première chose à faire, c’est définir ce qu’est un écosystème selon des critères objectifs et soutenir financièrement ceux qui ont une vraie valeur ajoutée pour le secteur en échange d’un plan d’action solide. Deuxièmement, c’est trouver un mécanisme pour faciliter la collaboration entre les start-up PropTech et les grands groupes immobiliers. Puis, il faut envisager une multitude de petites mesures qui font la différence, comme, par exemple, l’imposition d’un niveau de BIM sur tous les grands projets immobiliers ou l’inscription de l’innovation (c’est-à-dire le fait de collaborer avec des start-up) comme critère de sélection dans les appels d’offres publics. Autre piste : accorder des réductions fiscales liées à l’innovation aux promoteurs.

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Vous faites preuve de sévérité envers les plateformes publiques de soutien aux start-up. Pourquoi ?

Pour moi, les structures publiques ou subsidiées avec de l’argent public, sont par essence dysfonctionnelles. Je suis, il est vrai, assez drastique là-dessus. Max Weber disait que l’objet final de toute administration bureaucratique, c’est de continuer à exister. C’est un objectif qui est décorrélé de l’impact attendu sur le terrain. Si vous vous battez au quotidien pour simplement continuer à exister, l’objectif est manqué. C’est un travail de tous les jours de militer pour faire de l’innovation une priorité dans le secteur.

En huit ans, depuis 2016 et la création de PropTech Lab, avez-vous pu constater que les mentalités évoluaient ?

Oui et non. Il y a des réussites resplendissantes comme De Nieuwe Dokken de Caaap et Van Roey, Wood Hub de BPI, Icône de Besix Red, Minerve de Revive, etc. Mais certains grands groupes immobiliers et de construction perçoivent encore les start-up comme des vendeurs de solutions non pertinentes, qui les harcèlent puis ne font plus parler d’eux une fois la transaction conclue. Ou comme des jeunes entreprises qui réussissent aujourd’hui mais qui feront faillite demain. Ils préfèrent favoriser les one-stop shops, les structures tout en un qui résolvent tous leurs soucis en leur garantissant un seul et même interlocuteur sur tous les marchés où ils sont présents. Quitte à perdre en finesse, en innovation, en précision.

Ce n’est pas comme cela qu’il faut voir les choses. Les grands groupes ont l’expertise d’hier et d’aujourd’hui, mais ce sont les start-up qui ont celle de demain, la vision d’avenir, l’inspiration. Elles travaillent tous les jours et sans relâche à la recherche du progrès, c’est-à-dire non pas l’innovation inutile mais l’innovation qui élève l’humanité.

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Idriss Goossens, jeune patron du réseau belge PropTech Lab, n’hésite pas à aller chercher ailleurs des exemples de bonnes pratiques pour mieux soutenir les start-up PropTech chez nous.

Le modèle britannique : une avance indéniable

Le Royaume-Uni se distingue par son avance significative dans le domaine de la PropTech. Londres est désormais considérée comme la Mecque de ce secteur grâce à plusieurs initiatives clés. Parmi celles-ci, la nomination d’un Chief Innovation Officer (CIO) au sein de nombreux grands groupes et l’investissement massif de fonds dans la PropTech sont des éléments déterminants. Un exemple marquant est la désignation d’une personne dédiée à la PropTech au sein du ministère britannique du Logement, permettant une vue d’ensemble et une coordination efficace des efforts d’innovation.

De plus, le gouvernement britannique a mis en place des dispositions réglementaires favorisant l’innovation, telles que la certification BIM Level 2 pour tous les appels d’offres publics. Ces mesures ont permis de créer un environnement propice à l’émergence et au développement des start-ups PropTech.

La French Tech : un écosystème florissant

Il y a dix ans, la France a lancé la French Tech avec l’ambition de devenir une « start-up nation ». Cette initiative a facilité les interactions entre start-ups et investisseurs, attiré des capitaux internationaux et créé un environnement favorable à l’émergence de licornes. Aujourd’hui, la France est reconnue pour ses nombreuses start-ups valorisées à plus d’un milliard de dollars.

Des événements comme le salon VivaTech à Paris et des investissements stratégiques de la BPI (Banque publique d’investissement) dans des réseaux d’entrepreneurs tels que FrenchFounders et des sociétés de conseil comme Impulse Partners ont renforcé cet écosystème dynamique.

Le soutien aux réseaux existants : une priorité pour la Belgique

Pour Idriss Goossens, il est crucial que les gouvernements belges soutiennent les écosystèmes performants déjà en place, tels que PropTech Lab, The Beacon à Anvers, BeCentral à Bruxelles et Wintercircus à Gand. Ces initiatives locales mènent un travail de fond précieux et impactant, souvent plus efficace que certaines plateformes publiques subventionnées dont les projets manquent parfois de sens.

Malheureusement, la Belgique accuse un retard important dans sa stratégie de soutien à la PropTech. Les obstacles administratifs, réglementaires et fiscaux rendent l’entrepreneuriat difficile, poussant de nombreux promoteurs immobiliers et start-ups à chercher des opportunités ailleurs en Europe.

Les propositions pour un avenir meilleur

Idriss Goossens propose plusieurs mesures pour améliorer la situation en Belgique :

  • Définir clairement ce qu’est un écosystème selon des critères objectifs et soutenir financièrement ceux qui apportent une réelle valeur ajoutée.
  • Faciliter la collaboration entre les start-ups PropTech et les grands groupes immobiliers.
  • Imposer un niveau de BIM sur tous les grands projets immobiliers et inclure l’innovation comme critère de sélection dans les appels d’offres publics.
  • Accorder des réductions fiscales liées à l’innovation aux promoteurs.

Ces mesures visent à créer un environnement plus favorable à l’innovation et à encourager les collaborations fructueuses entre les différents acteurs du secteur immobilier.

Un appel aux politiciens

À la veille des élections, Idriss Goossens rappelle que ce sont les entrepreneurs qui résolvent les problèmes majeurs de demain. Ils créent des solutions, de la valeur et des emplois. Pour lui, les entrepreneurs sont des super-héros qui méritent un soutien accru de la part des décideurs politiques.

Les défis des structures publiques

Goossens critique sévèrement les plateformes publiques de soutien aux start-ups, les qualifiant de dysfonctionnelles par nature. Selon lui, ces structures se battent avant tout pour leur propre survie plutôt que pour l’impact réel sur le terrain. Il appelle à une révision des priorités pour faire de l’innovation une véritable priorité dans le secteur immobilier.

Évolution des mentalités depuis 2016

Depuis la création de PropTech Lab en 2016, les mentalités ont évolué de manière contrastée. Bien que certaines réussites soient notables, de nombreux grands groupes immobiliers continuent de percevoir les start-ups comme des entités peu fiables. Ils préfèrent souvent les solutions tout-en-un qui offrent moins d’innovation mais plus de sécurité apparente.

Pourtant, Goossens insiste sur le fait que les start-ups détiennent la vision d’avenir et l’inspiration nécessaires pour faire progresser le secteur. Elles travaillent sans relâche pour développer des innovations qui élèvent l’humanité et méritent donc une reconnaissance et un soutien accrus.

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