Une stratégie habile pour influencer le marché textile mondial – L’Express

Le coton ouzbek : entre héritage communiste et renaissance économique

Sous un soleil de plomb début septembre, la région de Samarcande en Ouzbékistan se transforme en un vaste champ de 16 000 hectares de fleurs jaunes, donnant naissance à des millions de petites boules blanches de coton. Ce pays, qui produit 1,3 million de tonnes de coton par an, est le huitième plus grand producteur mondial, représentant 3 % de la production globale. Le coton, surnommé « or blanc », est au cœur de l’économie ouzbèke, soutenant 570 000 emplois et contribuant à 9 % du PIB en 2023.

Du boycott au « come-back » sur la scène internationale

Historiquement, l’Ouzbékistan a été désigné comme le centre de production de coton sous l’URSS, avec un système collectivisé qui a perduré après son indépendance en 1991. Pendant des décennies, des millions d’Ouzbeks, y compris des enfants, ont été contraints de travailler dans les champs de coton. En 2010, face aux violations des droits humains, la communauté internationale a imposé un boycott des exportations textiles.

Aujourd’hui, l’Ouzbékistan semble avoir tourné la page. Lors de la récente conférence annuelle de la Fédération internationale des fabricants de textile (ITMF) à Samarcande, des experts ont annoncé un véritable « come-back » du coton ouzbek, suite à des efforts concertés pour éradiquer le travail forcé et lever le boycott en 2022.

Le coton, symbole d’une libéralisation à marche forcée

Depuis l’arrivée au pouvoir de Chavkat Mirzioïev en 2016, l’Ouzbékistan a entrepris une série de réformes économiques. La privatisation des champs de coton en 2017 a permis de créer 146 « clusters » gérés par des entrepreneurs locaux. Ce modèle unique permet une supervision complète de la chaîne de valeur, de la cueillette à la transformation des produits textiles.

Zafar Hakberdiev, propriétaire du cluster Kamalak, illustre cette nouvelle dynamique. Son entreprise transforme le coton en fil pour confectionner divers produits destinés à l’exportation vers 58 pays. Cependant, certains critiques soulignent que ce système de clusters ressemble encore à une forme de coercition collective, où les fonctionnaires dictent les règles de culture.

Besoin d’investissements étrangers et de diversification

Pour soutenir sa candidature à l’Organisation mondiale du commerce, l’Ouzbékistan mise sur l’augmentation des exportations de produits textiles finis. En cinq ans, ces exportations ont augmenté de 206 %, attirant deux milliards de dollars d’investissements étrangers. Toutefois, le pays doit faire face à des défis tels que la connectivité vers l’Europe et une réputation persistante liée aux droits humains.

Les acteurs de l’industrie textile sont optimistes quant à l’avenir, espérant tripler le volume d’exportations d’ici 2026, tout en respectant les normes environnementales. Cependant, la question de la durabilité reste cruciale, notamment en raison de la consommation d’eau excessive liée à la culture du coton.

Perspectives d’avenir

Avec un potentiel considérable pour transformer son industrie textile, l’Ouzbékistan pourrait devenir un acteur clé sur la scène mondiale. Les réformes en cours et l’engagement envers des pratiques durables pourraient ouvrir la voie à une nouvelle ère pour le coton ouzbek, mais cela nécessitera des efforts continus pour garantir que les leçons du passé ne soient pas oubliées.

Crédits

• L’Express – L’Ouzbékistan et l’or blanc du coton
• La mer Caspienne, futur nœud commercial central entre la Chine et l’Europe ?
• Coton bio, « bicudo » et écologie : derrière les baskets Veja
• Centre pour le développement économique